2024 : quand l’IA s’invite dans le processus électoral - 3 études de cas
AI Steve (Royaume-Uni)
AI Steve, un chatbot d’intelligence artificielle, se présente comme candidat aux élections générales britanniques du 4 juillet 2024 sous la bannière du parti Smarter UK. Cette candidature inhabituelle marque un tournant dans l’histoire politique britannique, introduisant l’intelligence artificielle dans le processus électoral.
L’avatar d’AI Steve est inspiré de son créateur, Steve Endacott, un entrepreneur qui se décrit comme un « capitaliste avec une conscience socialiste ». Endacott a déjà tenté sa chance en politique, se présentant en 2022 sous la bannière des conservateurs dans la circonscription de Rochdale. Cependant, cette première expérience n’a pas été couronnée de succès puisqu’il n’avait alors récolté que 487 votes.
Le principal objectif d’AI Steve est d’accroître l’engagement des électeurs en maintenant des conversations continues avec les citoyens. Cette interaction permanente vise à mieux comprendre leurs préoccupations et à proposer des politiques basées sur leurs contributions. Cette approche innovante espère rendre le processus politique plus inclusif et participatif, en permettant aux électeurs de se sentir entendus et représentés.
Si Steve Endacott est élu par les électeurs de la circonscription de Brighton et Hove, il promet de mettre en œuvre les politiques recommandées par l’intelligence artificielle au parlement britannique. En tant que représentant humain des recommandations d’AI Steve, Endacott servirait de lien entre la technologie et la législation, intégrant les suggestions basées sur l’analyse des données et les interactions avec les citoyens.
Reste à voir si les électeurs de Brighton et Hove seront séduits par cette approche futuriste et participeront à cette aventure politique unique en son genre.
Source : The Independent, 11 juin 2024
Élections générales indiennes 2024
Lors des récentes élections en Inde, de nombreux candidats ont opté pour l’utilisation d’avatars d’intelligence artificielle (IA) pour communiquer avec les électeurs, un électorat massif comptant 968 millions de personnes. Cette stratégie d’engagement hyperpersonnalisé visait à montrer aux électeurs que les candidats prenaient en compte leurs préoccupations spécifiques, en offrant une interaction plus directe et personnalisée.
Cependant, cette innovation technologique a aussi suscité des controverses. Les deux principaux partis, le Bharatiya Janata Party (BJP) et le Parti du Congrès, se sont accusés mutuellement de diffuser de fausses nouvelles à travers des hypertrucages. Ces techniques de manipulation des sons, des images et des vidéos ont alimenté les tensions politiques. Par exemple, des vidéos truquées ont montré l’ancien ministre en chef du Tamil Nadu, M. Karunanidhi, faisant l’éloge de son fils M.K. Stalin, créant ainsi de la confusion parmi les électeurs.
De plus, certaines célébrités de Bollywood ont porté plainte contre l’utilisation de leur image dans des vidéos truquées contenant des messages électoraux trompeurs. Cette situation a mis en lumière les défis éthiques et légaux liés à l’utilisation des technologies de l’IA dans le contexte électoral.
Meta, maison mère de WhatsApp et Facebook, a également été critiquée pour avoir approuvé 14 publicités électorales générées par l’IA, contenant des propos suprémacistes hindous et des appels à la violence contre les musulmans et un dirigeant de l’opposition. Cette approbation a exacerbé les tensions sociales et politiques, soulevant des questions sur la responsabilité des plateformes technologiques dans la diffusion de contenu potentiellement dangereux.
Malgré un avertissement de la commission électorale indienne contre les hypertrucages générés par l’IA, le gouvernement indien reste généralement non interventionniste en matière de réglementation de l’IA, même dans un contexte électoral. Cette absence de réglementation stricte soulève des inquiétudes quant à l’intégrité du processus électoral et la protection des électeurs contre les manipulations technologiques.
L’utilisation des avatars IA dans les élections indiennes représente une avancée significative en matière d’innovation politique, mais elle met également en évidence les défis éthiques, légaux et sociaux qui accompagnent l’intégration de technologies avancées dans le processus démocratique. Alors que l’Inde continue de naviguer dans cette nouvelle ère numérique, il devient crucial de trouver un équilibre entre l’innovation technologique et la protection des principes démocratiques.
France : les faux candidats de la liste “Nous le peuple”
Pour les élections européennes de 2024, la liste souverainiste dirigée par Georges Kuzmanovic fait preuve d’innovation en utilisant l’intelligence artificielle (IA) pour créer sa propagande électorale. En particulier, la musique des clips de campagne est générée via l’IA Suno, offrant une ambiance unique et contemporaine à leur message politique.
Cette campagne ne s’arrête pas à la musique : l’IA est également employée pour créer les visages de certains candidats. Ces candidats, qui n’existent pas dans la réalité, sont générés via le site thispersondoesnotexist.com. Cette technologie permet à la liste de Georges Kuzmanovic de présenter des candidats virtuels, en réponse à des besoins spécifiques de leur stratégie électorale.
Un aspect notable de cette approche est l’utilisation de portraits générés par IA pour protéger l’anonymat de candidates placées en position non-éligible sur la liste. Face aux critiques concernant l’invisibilisation des femmes dans les listes électorales, « Nous le peuple » a décidé de substituer les visages de certaines candidates par des images créées artificiellement. Cette solution permet de respecter l’anonymat tout en répondant aux exigences de représentation visuelle.
L’utilisation de l’IA offre des avantages significatifs à la campagne de « Nous le peuple ». Elle permet de réaliser des économies notables et de produire du contenu de manière rapide et efficace, un atout essentiel pour une campagne fonctionnant avec un budget limité de moins de 100 000 euros. Cette efficacité accrue est cruciale dans un contexte électoral où chaque minute et chaque euro comptent.
Cependant, cette utilisation de l’IA soulève également des questions éthiques et légales. L’absence actuelle de régulations spécifiques sur l’utilisation de l’IA dans la propagande électorale laisse place à des débats sur la transparence, l’authenticité et l’impact potentiel de telles pratiques sur la démocratie. Les électeurs et les régulateurs sont confrontés à un nouveau défi : trouver un équilibre entre innovation technologique et maintien des principes éthiques et démocratiques.
La campagne de « Nous le peuple » pour les élections européennes de 2024, dirigée par Georges Kuzmanovic, illustre à la fois les possibilités et les dilemmes que l’IA apporte dans le domaine politique. Tandis que cette technologie offre des outils puissants pour optimiser les ressources et capter l’attention des électeurs, elle nécessite également une réflexion approfondie et des cadres réglementaires adaptés pour garantir une utilisation responsable et transparente.
Source : France Culture, 4 juin 2024